Quantité à l'écran - David Cohen - 1998

A - Du coté de la synthèse rassurante

B - La profusion, poudre aux yeux?

Vers une "Mise en scène de l'information"

L' ergonomie de l'interactivité et la gestion de grandes masses d'informations s'opposent et vivent ensemble dans le traitement de la quantité à l'écran.
Défi majeur pour le concepteur, il n'a souvent qu'un seul écran pour ces deux enjeux : le premier écran.
Profusion ou synthèse? C'est à partir de cette alternative que l'observation du traitement de la quantité à l'écran parait être la plus riche d'enseignements.

Les 650 Mo d'un CD Rom représentent la valeur écrite et illustrée d'une petite bibliothèque personnelle. Certains sites Web comptent leurs pages en milliers. Nous sommes loin du mode d'appréhension d'un seul livre. Nous n'en avons pas encore la pratique courante, la culture.
Faut-il présenter ce foisonnement, cette profusion à l'interacteur?

Site Web ou CD Rom, il y a toujours un premier écran. D'abord, il nous donne une idée des informations contenues, des choix possibles, ce qui inclinerait à la profusion. Ensuite, tâche ingrate, il doit servir de mode d'emploi du multimédia; sur ce point, la synthèse (clarté et rapidité d'appréhension) rassurerait tout le monde.

Profusion ou synthèse, les concepteurs interactifs n'ont pas toujours le choix, ils doivent souvent afficher de nombreuses informations synchrones. Dans l'espace réduit de l'écran, nous allons voir que le temps, justement, pourrait s'affirmer comme une dimension majeure.


A - Du coté de la synthèse rassurante, les dévoilements.

Les dévoilements d'informations ne se trouvent que dans les oeuvres interactives ou dans les livres animés.
Le menu déroulant (cf Musique en 3D - Gallimard) nous vient des écrans informatiques mais peut prendre une forme plus imagée sur un CD Rom. La mosaïque d'images (cf Impressionnistes - Index+) s'est d'abord imposée sur le câble avant de nous proposer des fenêtres de pré-vision qui ouvrent vers des écrans entiers. Le passage d'une semi-transparence ou d'une semi-obscurité à une mise en évidence (cf Le Cube de Navigation - CSI illustration infra) fait partie de l'arsenal des graphistes sur ordinateur.

L'écriture de longs textes selon une structure qui s'affine tout au long trouve sa résolution dans le mode plan très utilisé outre-atlantique. Cet usage du traitement de texte (sur Word, Persuasion ou Claris Impact) replie le texte pour n'en laisser voir que la structure, déplie un paragraphe pour y travailler ou déplace un chapître entier dans la hiérarchie verticale ou horizontale du plan.

Si l'espace de l'écran est reconnu comme réduit, le Temps reste une dimension peu explorée. La génération de zappeurs qui, la première, a investi les écrans informatique ne nous en a guère laissé le ...loisir.
Nous pouvons imaginer que l'interacteur, cliquant dans une partie de l'écran, s'aperçoive qu'une autre partie a changé entre-temps. S'il n'avait pas laissé ce temps passer, les informations ou les images ne se seraient pas dévoilées pour lui. Le dévoilement dans le temps sera peut-être une antidote au zapping, à la clicmania.

Les interfaces-écran empruntent maintenant la 3 ème dimension, la profondeur, pour réduire la taille visuelle des informations plutot que de les faire disparaitre. La perspective, la profondeur, les zoom ou travelling sont utilisées pour ranger sans encombrer.Cette tendance est ergonomique car on s'aperçoit que ce qui fatigue le plus l'interacteur, ce sont les clignotements, les changements complets d'écrans, ce sont les adaptations de la perception à de "pages" foncièrement différentes. Toute économie de l'oeil et du pixel deviennent bienvenues.

Enfin les traitements de textes récents intègrent le surlignage par la couleur. Les "mots bleus" scandent nos textes sur le Web (ce texte a été écrit directement sur page Web même si sa destination finale est le papier). Dans ce domaine, la palme revient encore une fois à Xerox (SeeSoft - La Recherche - Mars 1996) pour sa visualisation de milliers de lignes selon des couleurs allant du rouge au violet. Cette palette veut signifier la fraicheur des ajouts ou des corrections. Il en résulte une excellente vue d'ensemble sur un texte. D'autres critères pourraient s'attacher à ce type de visualisation. Bien évidement ces couleurs cliquables dévoilent les textes.

B - La profusion, poudre aux yeux ou accés direct.

Les habitués des OS modernes ont une pratique quotidienne de la profusion : profusion de fichiers, profusion de logiciels ouverts, profusion de rangements... Cette "explosion" se traduit par l'ouverture de nombreuses fenêtres (cf Partitions). Ces fenêtres se superposent, se juxtaposent, passent à tour de rôle au premier plan. Certains logiciels proposent donc plusieurs ordonnancements possibles : la mise en onglets, l'affichage juxtaposé,la réduction de la fenêtre à une barre.... Les fenêtres étalent la profusion dans leur profondeur. L'Encyclopédie Universalis les accumulent cote à cote, les serrant au fur et à mesure de leurs ouvertures successives. Cet usage nous enseigne le besoin et les avantages de garder à l'écran les étapes d'un cheminement vers l'information.
Des OS comme X Windows et Be OS (sur Mac, Virtual shareware) mettent en oeuvre des écrans virtuels pour augmenter la taille de ce plan de travail. Une petite fenêtre représente en miniature 2 à 6 écrans. Un clic sur une de ces miniatures ouvre l'écran correspondant avec les logiciels et fichiers qui y étaient en service. Cette solution à la profusion crée en fait une image plus grande que l'écran, elle n'est pas loin des panoramiques de la 3D.
La collecte d'informations sur Internet et leur variété (images, textes, sons...) prend une ampleur que les rangements des OS ne peuvent assumer. Loin de la lourdeur des bases de données, les gestionnaires d'information comme ScrapIt Pro ou EasyWiew gèrent la quantité (images, textes et même sons) avec une liste. Cela n'est possible qu'accompagné d'un outil de recherche plein texte ou mieux. Les listes alphabétiques ou par date conviennent pour moins d'un millier d'items. Ces gestionnaires séduisent surtout par leur facilité de mise en oeuvre et le fait qu'ils visualisent des fichiers provenant de logiciels différents.
Enfin, certaines métaphores comme la roue, la ronde, la rue ou la ligne temporelle rendent la profusion moins chaotique, plus familière. Le PARC de Xerox y ajoute la métaphore "rooms" qui transforme l'idée d'écrans virtuels (cf plus haut Virtual) en image de salles en trois dimensions avec donc 3 ou 4 murs et une profondeur.

Conclusion:
Vers une "Mise en scène
de l'information"

Alors? Profusion ou synthèse? Richesse ou clarté?
Les réponses se trouvent déja dans l'usage d'autres médias. Autant l'information à consulter exige la synthèse pour le repérage, pour alléger la charge cognitive, autant le jeu, le loisir baignent dans la profusion, l'immersion, la reconstitution de la réalité complexe....
L'information en gestation, le plan de travail font exception à cette alternative car il sont le lieu même de l'accumulation avant synthèse. La bataille pour l'ergonomie des interface d'OS (et la survie de l'interface Mac) n'en est que plus révélatrice.
La visualisation de l'information devient un enjeu majeur dans le contexte d'accessibilité aux 300 millions de pages Web (06/98). Elle ouvre des pistes pour des interfaces pleines de replis, des interfaces pétries de temps, des interfaces qui balanceraient facilement entre la mémoire utile et l'oubli nécessaire.

David Cohen© - 1998 - Tous liens vers cette page encouragés - Usages à des fins professionnelles soumis au droit d'auteur.


















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SEMIO - Moteur de recherche
Semiomap - Moteur de recherche - Suite à une requête, chaque agrégat de mots est zoomable et révèle d'autres agrégats jusqu'à l'affinage de la recherche.Image d'un réseau sémantique. Semio affiche aussi la suite des mots cliqués : mémoire du chemin.
Salle de Navigation de la CSI - Ecran interactif
Cube de navigation - Cité des Sciences - Ce cube manipulé dans les 3 dimensions affiche non seulement chaque face et ses choix mais aussi, par transparence et en profondeur, les items des autres faces.